
Études métapsychiques, une situation qui met les scientifiques sur le fil du doute
Tout ce que nous savons aujourd’hui, c’est que nous ne savons rien. La question de l’occulte dans la science est telle qu’elle reviendrait à répondre à la question de la vie ou de la mort. Qui vit ? Qui ne vit pas ? Il y a surtout une question spécifique au centre de toutes les curiosités : peut-on revivre ?
« Nous sommes dans la même situation que les scientifiques face au phénomène des météorites il y a 50 ans : il n’y a aucun modèle scientifique pour l’expliquer », affirme Renaud Evrard, psychologue des questions métapsychiques, sur les avancées scientifiques dans le paranormal. Le psychologue clinicien regrette d’ailleurs le désintérêt de la communauté scientifique dite ‘’mainstream’’, et surtout « dans le domaine de la physique, où on pense que les phénomènes PSI (ndlr : phénomène mettant en jeu le psychisme agissant sur l’environnement d’un individu) n'existent pas. »
Comment peinons-t-on encore à trouver une réponse, alors que ces questions datent de longtemps ? Pourtant, ces questions intéressent de plus en plus. Les parasciences se dispersent dans la pop culture, poussées par les réseaux sociaux et sans doute par la fascination de notre cerveau pour le fantastique. Ne serait-ce que pour l’astrologie, science encore non prouvée officiellement. En tout, 58% des français croient à une discipline de paradcience, selon l'IFOP. Le chiffre passe de 33% en 2000 à 41% des français qui croient à "l’explication des caractères par l’astrologie" en 2021.
Thomas, passionné de paranormal et des apparitions inexpliquées, se retrouve ce soir dans un vieux château abandonné, celui de Louis-Napoléon à Sedan. À l’intérieur il espère y trouver des âmes d’enfants qui errent encore. Son studio de revisionnage laisse aisément deviner son attrait pour ces sujets. On peut apercevoir une collection de masques de clown autour de lui. Il apparaît enfin devant son écran d'ordinateur. Sur sa casquette, le logo de sa chaîne YouTube ‘’PRI’’. « Ce qui est intéressant c’est quand tu sais qu’il y a des personnes qui sont décédés dans les lieux et que tu peux avoir l’occasion de parler avec eux », explique-t-il. À chaque expédition, il apporte les baguettes de sourcier ainsi que son outil capteur de son, le K2. Mais l’objet qui est peut-être le plus intriguant est la spirit box, sorte de mini enceinte qui capte les ondes et donc, la parole des âmes. Seule problème, elle capte aussi les ondes radios. Dans la cave du château Louis-Napoléon, Thomas s’en sert. La spirit box a aussi la particularité d’être très bruyante. Dans une petite salle de cours façon école primaire, le chasseur de fantômes communique. L’équipe perçoit des ombres mais Thomas met en garde, la perception de l’esprit humain joue des tours.
Le sens et la tête
Renaud Evrard l’avoue, chez les scientifiques il y a de tout, « des ouverts et des fermés » sur la question. Mais pour lui, la réticence est légitime, « je la comprends d’autant plus quand elle vise des individus qui se prétendent parapsychologues, des voyants ou des médiums ne se basant que sur des croyances ». Confondre la croyance avec l’étude, certains scientifiques sont aussi tombés dans le piège.
Le docteur Raymond Moody publie son ouvrage "Paranormal, une vie en quête de l’au-delà" en 2014. Il y décrit les expériences de mort imminente et même les témoignages de ceux qui sont ‘’revenus’’ de leur sort fatal. En travaillant sur un procédé en particulier, le Psychomanteum, le docteur Raymond Moody aurait mis au point une façon de revoir les défunts et de vivre une expérience divinatoire.
Il explique son expérience dans les pages du livre, « une pièce a été réservée pour servir de chambre pour les apparitions. À un bout de la pièce, un miroir de quatre pieds de haut et de trois pieds et demi de large était fixé au mur. Le bord inférieur du miroir était à trois pieds du sol. Un ‘fauteuil confortable’, auquel les pieds avaient été retirés de manière à ce que le dessus de l’appuie-tête se trouve à environ trois pieds du sol, avait été préparé. La chaise était placée à environ trois pieds du miroir et légèrement inclinée vers l’arrière. Ce siège a été fabriqué dans le but d’être confortable, mais aussi pour éviter que le reflet du spectateur ne soit visible dans le miroir. En fait, l’angle de la chaise créait une vue dégagée en profondeur du miroir, qui ne reflétait que l’obscurité derrière la personne qui la regardait. Le résultat était un bassin de ténèbres limpide. Cette obscurité était assurée par le rideau de velours noir qui pendait au plafond et autour de la chaise. Une tringle à rideau incurvée était utilisée pour permettre au drap d’entourer la zone de la chaise et du miroir, créant ainsi une cabine ou une chambre cachée par des rideaux. À l’intérieur de cette chambre d’apparition et juste derrière la chaise, était placée une petite lampe en verre teinté avec une ampoule de quinze watts. Lorsque les lumières de la pièce étaient éteintes et que la lumière extérieure n’était pas visible grâce à des stores et d’épais rideaux placés devant des fenêtres. Cette toute petite lumière fournissait le seul éclairage de la pièce. »
Renaud Evrard, chercheur sur les questions de perception extra-sensorielle à l’université de Lorraine, travaille sur le psychomanteum.
Une autre approche de l’au-delà, mais plus axé
sur les expériences de l'esprit humain que de
"créer" de réelles apparitions, « nous allons dire
que vous avez 30% de chance de revoir ou
d’entendre votre défunt, et si les cobayes
viennent jusque là, peut-être qu’ils y croient un
peu aussi », assure Renaud Evrard. Le
psychologue est d’ailleurs en plein travaux pour
retenter cette expérience qui n’a pas été
réexpérimentée depuis Moody. Mais Renaud est
encore réticent, « effectivement, la suggestion et
la croyance sont des facteurs psychologiques
premiers ». Dans l’élaboration de cette expérience,
Renaud Evrard a besoin de recréer les conditions
des cobayes de Moody, mais avec une variation,
« Un paramètre change : le deuil. Quel effet a l'expérience
sur des personnes qui ne sont pas endeuillées ? »
Les scientifiques d’aujourd’hui se tuent encore
à trouver la réponse.
Un rideau d’enfer
En restant seul dans le noir pendant une dizaine de minutes environ, nous pouvons peut-être apercevoir des âmes errantes. Ici, Thomas se trouve dans un EHPAD désaffecté . L’homme qui résidait dans cette chambre est mort depuis longtemps, sans doute d’affreuse solitude. Une caméra infrarouge permet de distinguer tout ce qu’il se passe ici. Le K2 est là pour capter la moindre présence. Auquel cas, les couleurs du gadget varieront. Après dérushage de la vidéo, une « orbe » traverse l'armoire en fer du côté droit de la fenêtre de la chambre. Le reste de l’équipe est convaincue de ce qu’il se passe : c’est une apparition. Cette ambiguïté entre croyants/non-croyants au paranormal a toujours joué sur la pertinence des théories et ce, depuis le XIXème siècle, au temps des rationalistes contre les parapsychologues. Les chercheuses Bernadette Bensaude-Vincent et Christine Blondel qualifient, dans leurs travaux
« Des savants face à l’occulte, 1870-1940 » cette dualité comme un « rideau de fer » scientifique.
Leur travail mène aussi à analyser le durcissement de la rationalité dans les années 30, c'es-à-dire ceux qui n'y croient pas. La théorie du "cela n'existe pas" devient prédominante. Mais la science de l’occulte s’organise quand même. Une nouvelle branche de la science naît : la « radiesthésie ». Pratique scientifique qui conçoit qu’un humain est sensible aux radiations qu’un autre corps émet. Sous cette ambition, abbés, militaires et penseurs de tout horizon s’allient. D’autres scientifiques, hors cercle de la radiésthésie, étayent cette théorie, comme Gustave Le Bon, connu aussi pour ses études encore infondées sur l’ « infériorité intellectuelle des
femmes ». Il pense avoir trouvé une réponse ;
l’existence d’une lumière noire entre
les corps qui les ferait
communiquer entre eux.
Une réponse pas toute trouvée
À partir des années 20, le public commence à s’intéresser à l’au-delà et même à s’adonner aux pratiques de communication. Époque de deuil pour beaucoup, donc désir de revoir son défunt pour certains.
Mario Varvoglis, directeur de l’Institut Métapsychique International, confirme cet attrait qui s’est perpétué, « c’était après la Première Guerre Mondiale qu’il y avait beaucoup de décès, beaucoup de personnes qui étaient dans le deuil et c’est pour cela que l’IMI a tenu aussi longtemps, depuis un siècle ! », se réjouit-il. Mario est ‘’parapsychologue’’, une doctrine qui tend à être reconnue. La France est encore en retard à ce sujet et le mot est utilisé à tort, « les parapsychologues ne sont pas des praticiens, se sont avant tout des chercheurs ». Pourtant, l’ « existence des fantômes nécessite une enquête de terrain » avoue-t-il. C’est peut-être aussi le
rôle des journalistes de s’y frotter. Face aux phénomènes étranges, nous devons nous en tenir à « montrer qu’il y a une anomalie, inexplicable dans le moment » Mario. Une piste de réponse, notamment sur les fantômes quand le chercheur aborde le sujet de la ‘’psychokinèse’’, « au-delà de dire qu’il y a une anomalie, la psychokinèse (ndlr : La capacité qu’aurait un homme à agir directement sur la matière par l'esprit) est quelque chose qu’on ne comprend pas encore, il nous faudra du temps ». Si la théorie s'avère être juste, la réponse à la question des fantômes serait… nous-mêmes. Notre esprit créateur de faits dits "paranormaux" comme des vitres cassés, des tableaux qui tournent ou même des sons de voix, seulement parce que notre cerveau aurait des besoins d'exprimer quelque chose mais matériellement. Mais prudence, rien n'est encore fondé. Nous devrons encore attendre.
Noé Davenas
Renaud Evrard

Thomas,
chasseur de fantômes
Mario Varvoglis
41% des français croient à l'explication des caractères par l'astrologie en 2021.

"Un paramètre change : le deuil. Quel effet a l'expérience
sur des personnes qui ne sont pas endeuillées ?" Renaud Evrard
